Mohamed Bayo : “Je suis un mordu de football”

Du National à la Ligue 1, Mohamed Bayo monte les échelons de saison en saison. Une éclosion saine qui l’amène aujourd’hui à être suivi par de nombreux clubs, en France et à l’étranger. Son parcours, sa passion pour le foot, son avenir : le clermontois aux 14 buts cette saison en Ligue 1 se raconte en toute humilité. 

 

Tu montes les échelons en étant décisif depuis maintenant trois saisons, quel est ton ressenti par rapport à ça ?

Un bon sentiment. J’ai bien travaillé. J’ai été aidé par mes coéquipiers, sans eux je n’aurais rien pu faire. J’ai bien travaillé sur mes qualités et j’ai réussi à être performant dans des équipes qui n’étaient pas forcément conçues pour jouer le haut de tableau.

Je prenais les événements les uns après les autres. En National on est monté, en Ligue 2 pareil. Je suis très satisfait. Cette année j’ai tout donné pour maintenir mon club.

Je ne pense pas que beaucoup de joueurs aient eu la chance de faire deux montées de suite. C’est une satisfaction énorme pour moi.

 

Certes buteur, mais aussi passeur ! Tu as toujours apprécié faire marquer les autres ?

J’ai toujours fait des passes décisives : à Dunkerque j’en avais mis 5, j’en ai mis 6 la saison dernière en Ligue 2. J’aime bien faire jouer les autres, donner des bons ballons et si je peux faire marquer mes collègues, je n’hésite pas. Comme on dit, c’est celui qui est le mieux placé qui doit marquer.

Les attaquants doivent être complets maintenant : tu dois marquer et faire marquer. Benzema est l’exemple type. Un buteur ne peut pas être bon seulement dans la finition, c’est ma façon de voir la chose.

 

Tu viens de citer Benzema, d’autres joueurs que lui t’inspirent ?

Benzema, c’est vraiment la référence. Il y a Ronaldo le brésilien également, que j’aimais beaucoup beaucoup. Ces deux joueurs sont là pour faire briller leur équipe, et non briller seulement sur le plan individuel.

Je regardais beaucoup de vidéos de Ronaldinho et Ibrahimovic également.

 

Au cours de ta formation, tu es passé d’ailier à attaquant de pointe. Comment ça s’est passé ?

Quand j’étais en réserve, le coach me faisait jouer avant-centre, mais je faisais que décrocher et aller sur les côtés. Je prenais la balle et j’essayais de dribbler tout le monde (rire). Après, quand je suis allé à Dunkerque, le coach m’a fait jouer ailier, puis 9, à deux devant. Et enfin, ce même coach a mis un 10 derrière moi et je suis resté à ce poste. J’ai été de plus en plus à l’aise, et je commençais à servir mes coéquipiers tout en marquant quelques buts. Tout le monde se projetait dans cette équipe, moi je décrochais beaucoup.

 

Ce n’était pas trop dur d’aller à Dunkerque niveau climat ?

Dunkerque c’était pire que Clermont… Y’avait beaucoup de vent… Quand tu t’entraînais, tu avais l’impression que le vent te coupait les doigts (rire) !

 

Ce changement de poste veut dire moins de dribbles, et plus de déplacements tactiques donc ?

Oui, c’est sûr que ce sont des sacrifices entre guillemets. J’ai pris goût à ça. Un attaquant ne touche pas beaucoup de ballons, mais il les touche dans des moments importants. Moi, c’est ça qui me fais kiffer : arriver face au gardien en un contre un. Là, c’est un moment fatidique, tu loupes tu loupes, tu marques tu marques. La pression me fait kiffer, j’aime beaucoup !

Quand tu marques, les gens sont contents et quand tu loupes, tu rentres chez toi et tu te dis « putain, j’aurais pu faire mieux… ».

 

Justement, tu analyses tes matchs ?

Je fais tout le temps un debrief, soit avec mon frère, soit avec un bon pote à moi. On regarde le match, on note les erreurs. Derrière, à l’entraînement, je me mets à bosser là-dessus, et le week-end d’après j’essaye d’en faire plus et de combler mes lacunes du week-end précédent. C’est un état d’esprit tout ça.

 

Tu as eu quelques “trous” dans la saison, comme ton équipe de Clermont. Elle se trouve là ta marge de progression ?

Je dois être plus régulier. Essayer de gommer ces trous, et être plus constant dans les matchs dans lesquels l’équipe est en difficulté. Faire plus d’efforts pour pouvoir me créer des occasions. Après, c’était ma première saison et la première saison de l’équipe en Ligue 1, donc on apprend !

 

Tu es né à Clermont, tu es formé au Clermont Foot 63 (arrivé à 6 ans), tu as commencé en pro à Clermont et tu exploses désormais aux yeux du grand public à Clermont. Ça doit être une fierté ?

C’est une joie immense. Tu joues devant ta famille, les gens qui t’ont vu grandir. Tu joues chez toi en fait. C’est encore plus dur que quand tu es ailleurs, t’es scruté par tous les gens qui te connaissent. Cela te met une pression en plus. Moi j’aime quand il y a des défis, j’ai envie de me donner à fond pour montrer que j’ai des qualités.

 

Tu serais prêt à vivre une pression plus grande dans un projet plus ambitieux ?

Peut-être pas hein… On ne peut pas savoir (rire). La pression me motive en tout cas, j’ai envie de prouver que j’ai des qualités.

 

Comment es-tu arrivé en sélection guinéenne ?

C’est le sélectionneur qui m’a contacté la saison dernière. Au départ, je ne voulais pas y aller directement, j’étais en Ligue 2 et je commençais à marquer quelques buts. Je voulais bien avancer dans la saison avant d’y aller, et j’y suis allé au mois de mars du coup.

C’était le choix du cœur, de la famille. Quand je voyais mes parents, je me disais que je ne pouvais pas représenter une autre nation que la Guinée.

J’y suis allé trois fois avant d’être international. Après avec le foot, plus j’évoluais, moins je pouvais y aller. Tu fais des choix dans la vie, le foot en fait partie… Quand t’y retournes en tant qu’international, ça fait bizarre. Tu arrives, tu es accueilli, tu sens de la chaleur dans les yeux des gens.

 

Quels sont les objectifs de la Guinée ?

Se qualifier pour la CAN 2023*, ce serait magnifique ! Et aller la jouer à fond !

 

Quel est ton regard sur le football africain ?

Le football africain est très dur, mais apprend beaucoup. Moi, en tant qu’attaquant, les défenseurs ne sont pas là « pour rigoler ». Ils sont sur ton dos. Il faut que tu apprennes à te déplacer pour leur créer des problèmes. Les défenseurs te collent vraiment, tu dois vraiment être malin pour te démarquer.

 

Le football africain est-il suffisamment mis en avant, d’après toi ?

Le football africain pourrait être mis plus en valeur. Il y a d’énormes cracks, c’est la vérité. J’ai fait la CAN, j’ai affronté des joueurs… Laisse tomber ! Le Sénégal avec Mané qu’on connaît tous, la Gambi avec Moussa Barrow… Il y en a énormément des joueurs impressionnants. Il y a beaucoup de talents.

La qualité des terrains joue beaucoup, les épisodes avec les arbitres… Le foot africain est mal vu mais il y a beaucoup de talent.

 

Es-tu un fan de foot ?

Je regarde tous les matchs. Je regarde TOUT. Premier League, Ligue 2, tout, tout, tout… Même mon pote il me dit « t’es dingue, tu regardes les multiplex de Ligue 2 ! » (rire). Je suis un mordu de football. Quand on jouait le samedi, je me levais à 12h00 le dimanche et je regardais les matchs jusqu’à 23h. Toute la journée, que foot ! Je kiff mon sport ! Mes potes ils m’appellent « le recruteur », parce que je regarde beaucoup de football (rire) !

Je regarde aussi pour voir si y’a des gestes qui peuvent m’inspirer. Tout type de joueur peut t’inspirer. Un joueur de National peut faire un truc qui va te servir à toi, en Ligue 1.

 

Où jouera Mohamed Bayo la saison prochaine ?

J’ai fait une saison en National, j’ai marqué. J’ai fait une saison en Ligue 2, ça s’est bien passé. On s’est maintenu en Ligue 1 cette saison. La suite logique, c’est de m’orienter vers un nouveau défi !

Je ne veux pas courir vers l’argent, je veux un projet où dans le jeu, je me sens important. Je ne veux pas être l’attaquant qui est juste là pour la mettre au fond.

 

Le XI du kiff de Mohamed Bayo

« Moi je veux que ça joue au foot ! Même mes défenseurs faut qu’ils soient chauds au foot ! »

 

*Mohamed Bayo, qui avait été appelé dans un premier temps pour joueur les deux prochains matchs de qualification pour la CAN 2023, face à l’Egypte et face au Malawi, n’a pas pu se rendre au rassemblement à cause d’une blessure au genou. Il est actuellement dans une période de soin.

Paul Avignon