Christopher Wooh : “Les performances de certains joueurs africains sont moins valorisées que d’autres”

À seulement 20 ans, Christopher Wooh, qui est encore à l’orée de sa carrière professionnelle, sait déjà parfaitement où il souhaite aller. Ses débuts avec Lens, son choix de représenter le Cameroun et le traitement du football africain : le jeune défenseur central nordiste se raconte !

 

La saison passée, tu as découvert la Ligue 1 (14 apparitions). Peux-tu nous parler de tes débuts ?

C’est un grand changement par rapport à la Ligue 2. Quand j’ai démarré en pro, à Nancy, il n’y avait pas de supporter à cause du Covid. Passer de ça au stade Bollaert, c’était énorme. J’ai franchi une vraie étape, c’est un autre niveau. J’étais là pour apprendre au début, jusqu’à finir la saison très à l’aise sur le terrain et avec mes coéquipiers.

 

Tu as joué contre de très grosses écuries de notre championnat : PSG, Lyon, Nice, Marseille et Rennes. Résultats : 3 nuls, 1 défaite et une 1 victoire ! Pourquoi le coach fait appel à toi pour ces grands matchs ?

C’est les faits de jeu qui ont fait que j’ai pu jouer. À chaque gros match, il y avait une suspension ou une blessure (rire). Je ne suis pas quelqu’un qui est intimidé, que ce soit par l’adversaire ou l’atmosphère. J’essaye de jouer sans pression, avec le même état d’esprit, quelque soit l’adversaire.

Le Stade Rennais est l’équipe qui m’a le plus impressionné. Surtout Martin Terrier, il était vraiment intelligent. Ils avaient une bonne équipe l’année dernière, offensivement c’était dur à gérer pour mon premier match, c’était costaud en face.

L’été de ton arrivée à Lens, tu as été pisté par de nombreux grands clubs en France et à l’étranger (Leverkusen, Francfort ou encore l’OM ont été cités). Pourquoi avoir choisi Lens ?

Avec mon ancien agent, on a fait une technique qui consistait à enlever des clubs chaque semaine. Il fallait que j’ai les coachs au téléphone, plutôt que le directeur sportif. Il fallait que je sente que le coach me voulait. Avec le coach Haise, il a été important là-dessus, on a souvent été en contact. À la fin, j’hésitais entre Lens et Rennes, parce que c’était les meilleurs projets pour me développer. J’ai fini par choisir Lens, et je suis content.

 

L’objectif pour toi cette saison ? Obtenir plus de titularisations en Ligue 1 ?

J’ai besoin de progresser, donc je dois enchaîner les matchs. Sinon, ça va freiner ma progression. Dans la défense à trois, je suis à l’aise dans les trois postes. J’ai une préférence pour l’axe gauche, mais les autres postes ne me dérangent pas.

 

Tu as 20 ans et tu as pourtant très rapidement choisi de représenter le Cameroun, alors que tu es passé par les équipes de jeunes France il y a quelques années. Pourquoi avoir pris cette décision ?

C’est un choix du cœur. Quand j’ai eu l’appel du président (Samuel Eto’o ndlr), j’ai directement pris ma décision. Depuis que je suis jeune, je dis à mes parents que si je dois choisir, ce sera le Cameroun, s’ils s’approchent. J’ai toujours regardé les matchs du Cameroun avec passion. Quand je suis allé jouer là-bas, ça a renforcé mon opinion. Je me suis bien intégré, et je sens que je joue vraiment pour le blason.

 

Raconte nous la rencontre avec le président de la Fédération camerounaise, Samuel Eto’o, qui t’a conduit à accepter de rejoindre la sélection ?

C’était vers mars, Ganago m’envoie un message et me dit que le président veut me joindre. Au début, je me suis dis qu’il mentait. Dix minutes plus tard, Eto’o m’appelle et me dit qu’il souhaite organiser un rendez-vous à Lens pour que je puisse échanger avec son équipe. C’est sûr que ça a été un poids en plus, qui a pesé dans la balance.

(À propos de Eto’o ndlr) Je regardais ses matchs, ses interviews. On a tous l’image de quelqu’un de confiant. Il a vraiment confiance en lui, en notre équipe. Il veut aller chercher la Coupe du Monde ! C’est compliqué, mais on y croit tous, ensemble. Tout est possible dans le foot. C’est vraiment un bon président, de ce que j’ai pu voir.

 

 

Qu’as-tu à répondre aux récents propos du président de Naples, Aurelio De Laurentiis, à propos des joueurs africains ?

“Ne me parlez plus des africains. Je les aime, mais s’ils signent chez nous à l’avenir, qu’ils renoncent à jouer la CAN. Nous on se retrouve comme des idiots à payer des salaires pour les envoyer dans le monde entier à jouer pour les autres.” – Wall Street Italia

Je pense que le football africain est dévalué. Les performances de certains joueurs africains sont moins valorisées que d’autres. Par exemple, les saisons de Salah ou Mané de ces dernières années ont été moins valorisées que celle de Messi, qui a gagné la Copa. Maintenant, il y a beaucoup de bi-nationaux qui commencent à choisir leur équipe africaine. Je pense que dans les années à venir, ça fera du bien au football africain.

Au-delà de Mané et Salah et leurs saisons à la CAN et en Ligue des Champions, on peut aussi parler d’Edouard Mendy, quand on voit les récompenses qu’on eu les autres gardiens, avec la saison qu’il a faite… C’est vraiment dévalorisé.

Paul Avignon